La crise politique espagnole : une leçon pour l’Europe

Le 10 novembre, pour la quatrième fois en quatre ans, les Espagnols éliront leurs députés et ces derniers devront, une fois encore, tenter de former une majorité pour soutenir un gouvernement stable.

Il s’agit d’en finir avec une instabilité inédite qui lasse des Espagnols, exprimant le besoin de décisions et d’actes pour bénéficier d’une vie meilleure. Ils ont donné leur confiance aux 100 Propositions des socialistes, chose que les députés n'ont pas reproduit, retardant ainsi l’exécution d’un programme social ambitieux qui mise sur l’éducation, la taxation des banques, les investissements, des dispositifs plus généreux pour la santé...

Le 17 septembre dernier, une nouvelle fois, les socialistes n’ont pas recueilli suffisamment de voix au Congrès des députés lors du vote de confiance au gouvernement.

Au terme de nouvelles discussions et y compris avec le Roi, on a abouti à un constat d’échec ouvrant la voie à de nouvelles élections.

C’est le résultat du choc des intransigeances.

Notamment, de la gauche radicale rassemblée dans Unidos Podemos, la coalition entre les anciens communistes de Izquierda unida, et Podemos, la version transpyrénéenne des Insoumis. Ces derniers traversent une crise profonde car l’autoritarisme de leur leader Pablo Iglesias – il est issu d’une famille socialiste qui lui a donné le prénom du fondateur du PSOE – passe mal. A la diffférence de la gauche radicale portugaise, Podemos a toujours eu du mal à envisager sereinement une alliance avec les socialistes face à l’adversaire commun, la droite, alors que l’ensemble des forces de gauche ont conquis la plupart des grandes villes du pays et ses régions, notamment les Canaries, le Pays valencien, aux Baléares, en Aragon, dans la Rioja ou encore la Navarre.

Le Président du gouvernement Pedro Sánchez a mis à jour les 100 Propositions d’avril en 370 Propositions pour un Programme commun progressiste destiné à convaincre la gauche radicale que l’unité pour le pays était plus importante que les intérêts des partis.

La prolongation de la crise qui nuit beaucoup à Unidos Podemos et à son leader, lequel refuse de prêter main forte à un gouvernement socialiste, touche toute la classe politique.

A droite, le Parti Populaire reprend quelques couleurs et il s’est allié avec les centristes de Ciudadanos et l’extrême droite de Vox à Madrid, en Murcie, à Saragosse ou en Andalousie. Revanchards farouches, les conservateurs sont prêts à tout pour écarter la gauche du pouvoir.

Cette droite, libérale et anti-immigration, se veut protectrice à l'égard de Franco. Rétrograde sur l’égalité femmes-hommes et les féminicides, des thèmes sur lesquels les socialistes ont pourtant légiféré dès les années Zapatero, la droite ne considère le féminisme que comme une discrimination opérée contre les hommes, sans même aborder la question des violences faites aux femmes. Elle n’a, en outre, qu’une approche répressive de la question catalane.

De nouvelles élections renforceraient probablement le socle des socialistes, mais pas assez pour avoir une majorité aux Cortés. La question est clairement posée comme en France aux vrais progressistes : trouver les termes d’une coalition ou d’un soutien sans participation qui permette de gouverner à gauche ou prolonger une crise qui, à terme, bénéficiera aux droites.

La gerigonça portugaise, ce « bidule » improbable mais qui fonctionne, c'est à dire le soutien de la gauche radicale, des communistes et des Verts aux socialistes au pouvoir, prouve que lorsque la gauche ne se trompe pas d’adversaire, elle peut l’emporter dans la durée et changer la vie de ses citoyens. Les élections portugaises d’octobre devraient le prouver.

 

Inscrivez-vous à la newsletter

Please check your e-mail for a link to activate your account.