initialement publiée dans Mediapart.
Le débat sur le prochain budget européen entre dans le vif du sujet et pose une question centrale pour la Politique Agricole Commune : peut-on réussir la transition environnementale de l’agriculture européenne avec moins de ressources ?
Avec la proposition du Conseil, on s’orienterait vers une baisse du budget agricole de 14% dont une baisse de 26% pour le second pilier de la PAC qui contient les mesures agro-environnementales comme les aides à l’agriculture biologique.
Pour tenter de cacher ce recul vis-à-vis de la protection de l’environnement, la Commission européenne défend, comme lors de la réforme de 2013, le verdissement du premier pilier avec un « éco-dispositif » dont on sait peu de chose si ce n’est qu’il ne permettra que des aides à l’hectare et annuelles. Et l’on sait que ce type d’outils est nettement moins efficace que des contrats pluriannuels qui ont fait leur preuve pour accompagner réellement la transition des fermes. Le précédent verdissement est un échec, ou plutôt une belle opération de greenwashing puisque la barre a été mise si basse que tous les agriculteurs l’ont franchie sans encombre, même ceux qui n’ont rien changé ! Et l’on s’apprêterait à refaire la même chose? Ce n’est pas sérieux !
Alors que la nouvelle Commission a placé son mandat sous l’égide du Green New Deal et que l’agriculture et les territoires ruraux sont au cœur des enjeux de la transition environnementale, une telle baisse du budget n’est pas admissible. La proposition tout à fait réaliste de porter le budget européen à 1,3% de la richesse européenne s’inscrit dans l’objectif de maintenir le budget de la PAC.
Une PAC dont il faudrait enfin songer à améliorer l’efficacité. Verser des aides aux agriculteurs tout en dérégulant les marchés, c’est arroser du sable. En fait, cela laisserait le champ libre à l’industrie agro-alimentaire et à la grande distribution pour capter l’argent public en forçant les prix à la baisse dans des négociations sibyllines. Pour accompagner les agriculteurs dans la transition, nous devons réhabiliter des mesures de régulation des marchés comme socle du nouveau contrat entre la société et ses agriculteurs. Un choix s’impose : on ne peut pas avoir une agriculture européenne directement connectée sur des marchés internationaux de dumping et réussir la transition environnementale de l’agriculture. Réguler, c’est aussi réduire les surproductions agricoles là où elles sont les plus nocives pour les ressources naturelles.
Je défends une PAC plus forte face à la volatilité des marchés agricoles. Nous devons également permettre à tous les producteurs, qui font le choix de la qualité et de la protection de l’environnement, de s’organiser pour adapter l’offre à la demande, à l’instar de ce qui existe déjà pour les fromages sous appellation d’origine protégée. Nous devons disposer d’outils plus efficaces en cas de crises de marché, car réguler coûte moins cher que de payer les pots cassés.
Il est plus que temps que la Commission européenne endosse ses habits de régulateur sectoriel en définissant sa stratégie et ses indicateurs pour rendre compte de ses choix, comme toutes les autres autorités de gestion de fonds communautaires. A défaut, comment les Etats membres pourraient-ils définir leurs objectifs en matière de revenu des agriculteurs ou de renouvellement des générations, si le niveau communautaire responsable du bon fonctionnement du marché européen ne définissait pas les siens ?
Réussir le Green New Deal, c’est redonner de la valeur à la Nature et aux produits qu’elle porte ! En annonçant un instrument de compensation carbone aux frontières, la Présidente Von der Leyen propose une réorientation de la politique commerciale. L’Union européenne doit porter auprès de l’OMC une nouvelle stratégie commerciale pour sortir des dumpings économiques, environnementaux et sociaux. Elle doit donc tourner la page des aides découplées et retrouver une capacité d’orientation sur l’agriculture afin de préserver l’alimentation et l’environnement des Européens.
Nous sommes à la fin d’un cycle, le temps est venu d’un changement en profondeur. Le New Green deal doit être une opportunité, la réforme de la PAC une priorité. Les générations à venir ne nous pardonneraient pas que la conclusion de ces projets soit un échec.