Interview initialement publiée par Libération
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Entretien avec le premier secrétaire du Parti socialiste, qui revient sur les scores au premier tour des municipales et les mesures prises pour lutter contre le Covid-19.
Le premier secrétaire du Parti socialiste note «l’évolution» du président de la République après son allocution pour présenter les nouvelles mesures afin de lutter contre l’épidémie de coronavirus. Si Olivier Faure lui apporte son «soutien», il demande à Emmanuel Macron d’aller «plus loin», notamment en abandonnant la réforme de l’assurance chômage. Le premier des socialistes fait également le point sur le premier tour des municipales après les jolis scores de sa famille politique et ceux des écologistes, et espère qu’un «dialogue» s’ouvrira pour proposer ensemble une alternative «aux nationalistes et aux libéraux».
Que retenez-vous des annonces d’Emmanuel Macron ?
Je note une évolution salutaire dans la stratégie sanitaire de l’exécutif. Imperceptiblement, le gouvernement est passé de «l’immunisation collective» à un «confinement à l’italienne», même si les mots n’ont pas été prononcés par le Président. J’aurais préféré qu’ils le soient parce que les mots ont leur importance et qu’ils doivent être assumés au sommet de l’Etat. Je veux évidemment assurer le chef de l’Etat de mon soutien, de notre soutien dans cette crise, mais je resterai vigilant et je lui demande d’aller plus loin. Il faut se mettre en situation d’état d’urgence sanitaire, économique et social. Les premiers gestes à faire, c’est l’abandon définitif de la réforme de l’assurance chômage qui est un désastre humain, et voter au plus vite une loi de finances rectificative qui donne les moyens que réclament les soignants à l’hôpital public, «quoi qu’il en coûte». D’accord, nous sommes en «guerre» contre le virus, mais on ne doit pas en arriver à faire de la médecine de guerre, c’est-à-dire sélectionner les malades en fonction de leur espérance de vie supposée.
Vous partagez donc l’utilisation du mot «guerre» ?
Oui, je le partage. J’ai d’ailleurs été parmi les premiers à utiliser ce terme, considérant qu’on entrait en guerre contre le virus Covid-19. Oui on peut parler de guerre, s’il s’agit d’en appeler à une mobilisation générale et que soit donné à chacun son ordre de mission. En l’occurrence, nous ne sommes pas tous au front de la même manière. Ceux qui y sont vraiment, ce sont nos médecins, nos infirmières, nos aides-soignants, de manière générale tous nos agents du service public. L’Etat doit leur donner les moyens d’agir. Et nous devons les soutenir en adaptant nos modes de vies à leurs consignes. Ils nous alertent sur leur incapacité à faire face à un afflux massif. Nous devons les soulager par notre sens des responsabilités.
Quelle est la place de l’opposition dans cette période ?
Nous serons des soutiens sans faille dans le combat sanitaire. Nous le sommes au niveau de nos collectivités locales qui sont dans l’opérationnel. Ce sont elles qui assurent les modes de garde pour les enfants des soignants, elles qui veillent sur nos aînés par le portage des repas ou des courses à domicile, elles qui font la pédagogie de terrain. Nous serons aussi vigilants et exigeants pendant et après la crise. Après les gilets jaunes, nous avions déjà eu l’engagement d’un acte II plus social. Résultat ? Les réformes de l’assurance chômage et des retraites ! Il y a un pouvoir, il ne peut s’affranchir des contre-pouvoirs pour cause d’épidémie. La démocratie n’est pas une intermittence, elle doit être permanente.
La réforme des retraites est suspendue, c’est une petite victoire symbolique ?
Dans la crise sanitaire que nous vivons, parler de vainqueurs ou de vaincus n’aurait aucun sens. Il y a de vraies urgences. Cette réforme ne l’est pas. Chacun comprend désormais que la précipitation visait juste à masquer l’impréparation. Puisque le Président nous dit qu’il y aura un «avant» et un «après crise du coronavirus», puisqu’il nous dit avoir découvert les vertus de l’Etat providence, la nécessité de protéger les Français comme d’assurer la solidarité entre les générations, ce texte doit être abandonné au profit d’une évolution juste du système actuel. Nous sommes à la disposition du gouvernement pour évoquer nos propositions.
Lundi soir, le président de la République a repoussé le second tour des élections municipales décalé, c’est une bonne nouvelle ?
C’était notre demande. Il aurait été lunaire de convoquer ce second tour en plein pic épidémique. Nous n’avions pas été consultés pour le premier tour, cette fois nous avons pris les devants.
Le virus a masqué les bons résultats du PS…
Si c’était le seul dégât, ce ne serait pas si grave. Oui, ce sont de très beaux résultats qui sont une reconnaissance de tout le travail d’innovation sociale, écologique, économique, démocratique des socialistes sur les territoires. De Paris à Marseille, de Rennes à Nancy, de Nantes à Avignon, de Lille à Clermont-Ferrand, du Mans à Savigny-le-Temple, ma ville, les électeurs sont venus démentir tous les croque-morts qui rêvaient de sceller le cercueil du parti de Jaurès. Nous avons connu la défaite pendant six années consécutives. Nous avons entendu le message. Nous avons redéfini notre orientation. Nous avons fait le choix du rassemblement d’un bloc social, écologique et démocratique. Nous avons inscrit nos combats au cœur du mouvement social, encouragé la prise de conscience féministe, accompagné le combat pour la planète. Nous l’avons fait humblement mais avec détermination.
Que retenez-vous alors de ce scrutin ?
La gauche doit marcher sur ses deux jambes. Sociale et écologique. L’une ne s’oppose pas à l’autre. L’une ne remplace pas l’autre. Nous devons être pleinement conscients que nous sommes dépendants de la nature sans pour autant la mythifier. La nature ne peut fonder l’ordre social. L’ordre naturel c’est, dans le domaine social la loi du plus fort, et sur le plan sociétal, la manif pour tous et le refus du progrès. C’est dans le dialogue entre deux cultures, deux sensibilités que se trouve le sillon fécond de la gauche du XXIe siècle.
Et sur le plan électoral ?
Quand la gauche socialiste, écologiste se rassemble, elle offre aux Français une alternative aux nationalistes et aux libéraux. Quand la solidarité l’emporte sur l’égoïsme partisan, une voie s’ouvre. Le premier tour des municipales a ouvert une brèche qui permet à nouveau d’espérer. A nous de saisir cette occasion. La responsabilité de la gauche et des écologistes est immense. Personne ne nous pardonnera les petits jeux médiocres à une heure où les périls s’accumulent. L’heure de vérité approche. C’est à ses fruits qu’on reconnaît l’arbre. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que les premières fleurs soient effectivement annonciatrices du printemps.