Reconnaître l'écocide pour protéger réellement l'environnement.

Au lendemain des incendies massifs qui ont ravagé l’Amazonie, l’émotion reste grande et le sentiment d’urgence écologique est plus intense que jamais. Les catastrophes d’une telle ampleur, qui dévastent la planète, ne sont pas seulement des destructions de systèmes écologiques, elles sont une atteinte aux droits fondamentaux des générations présentes et futures à jouir d’un environnement sain ; une atteinte envers notre patrimoine commun qui assure les conditions d’existence de l’humanité.

La dégradation des écosystèmes démultiplie les risques pesant sur les populations, menace la sécurité humaine et alimentaire, détruit des économies locales, détériore le bien-être et la santé humaine. À cet égard, la sauvegarde de la planète doit devenir un impératif quotidien, imposable à tous, et les actes qui vont à son encontre doivent être sanctionnés à la hauteur des fautes commises.

Malheureusement, force est de constater que la criminalité environnementale prospère à travers le monde et profite d’un très large sentiment d’impunité. Le mépris des règles de prudence, du devoir de vigilance et du principe de précaution peuvent permettre à certains de dégager des profits économiques considérables au détriment des écosystèmes.

D’aucuns nous diront, dans un déni de réalité, que la France n’est pas concernée par la criminalité environnementale. D’autres avanceront que notre arsenal législatif est assez robuste pour faire face aux atteintes environnementales et réprimander les comportements dommageables. Assez dissuasif, assez complet, nous dira-t-on.

Rappelez-vous du naufrage de l’Erika en 1999, qui a déversé des milliers de tonnes de fioul dans l’océan et pollué près de 400 km du littoral français, ou encore l’aveu de Vinci cette année, qui reconnaît avoir déversé de l’eau bétonnée directement dans la Seine pendant plusieurs mois. L’amende maximale prévue par la loi pour ces deux actes dommageables s’élève à 375 000 euros et demeure particulièrement dérisoire en regard des conséquences écologiques. Même si le recours au préjudice écologique existe aujourd’hui pour exiger des réparations, celui-ci ne permet pas reconnaître la responsabilité pénale du fautif. Appeler aux responsabilités, c’est tout l’intérêt de reconnaître de nouveaux crimes environnementaux comme l’écocide.

De l’outre-mer à la métropole, le territoire français regorge de trésors naturels que nous ne pouvons voir saccagés au nom de la quête du simple profit économique dicté par l’intérêt privé. Faudra-t-il attendre la prochaine catastrophe de grande ampleur pour légiférer ? Nous devons nous rendre à l’évidence : tout aussi riche qu’il soit, notre arsenal juridique souffre encore de lacunes pour décourager complètement la destruction de notre environnement.

En inscrivant dans le Code pénal le crime d’écocide, la proposition de loi que je porte à l’Assemblée nationale avec le groupe socialistes et apparentés vise justement à punir les crimes les plus graves qui portent atteinte à la santé de la planète de manière grave et durable. Elle s’inscrit ainsi dans la continuité de la proposition de loi portée au Sénat par Jérôme Durain en avril 2019. L’intérêt de reconnaître l’écocide est de pouvoir stopper toutes les activités malveillantes qui contribuent manifestement à la destruction de la biodiversité, à la pollution grave des sols et de l’atmosphère, ou encore à la déforestation massive.

En raison de la gravité exceptionnelle de ce crime, cette proposition de loi prévoit pour les auteurs une peine de vingt ans de réclusion criminelle et 10 000 000 euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, de 20 % du chiffre d’affaire annuel mondial. Notre initiative propose également d’exclure des marchés publics, de plein droit, les personnes reconnues coupables d’écocide. Ce crime d’écocide est également complété par un délit d’écocide qui sanctionne les violations volontaires des règles de prudence environnementales.

En prenant cette initiative, nous pouvons ouvrir la voie à d’autres pays à la conclusion de traités internationaux et encourager la reconnaissance d’un crime international. De la même manière que la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères est devenue une référence internationale en inspirant notamment un traité contraignant sur les multinationales et les droits humains négocié aux Nations unies, la France peut encore une fois devenir une source d’inspiration.

Plus encore, à l’heure où le projet de traité international contraignant, porté par la France sous la forme d’un Pacte Mondial pour l’Environnement, n’a pas été adopté par les Nations unies, il s’agit de montrer au monde notre détermination pour la construction d’un monde juste et durable. Dans un contexte géopolitique où l’environnement est malmené et où le système multilatéral est de moins en moins efficace pour le protéger, soyons courageux. Reconnaître l’écocide, c’est reconnaître à sa juste valeur l’interdépendance entre les écosystèmes et les conditions d’existence de l’humanité.

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